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Trente ans et déjà pionnière en physique de l’imagerie médicale. Khady Sy, étudiante à l’ITNA est la première et seule radio-physicienne en médecine nucléaire et en imagerie médicale au Sénégal. Celle qui a failli devenir enseignante est maintenant recrutée au Centre hospitalier national Cheikh Ahmadou Bamba de Touba.   

 Les premiers mots de sa présentation incitent d’emblée à lui accorder une attention particulière. « Je m’appelle Khady Sy, je suis radio-physicienne spécialisée en médecine nucléaire et en imagerie médicale », décline-t-elle d’un ton hésitant. Très timide, cette dame d’une trentaine d’années est familière au langage nucléaire, mais pas celui des médias. Les labos, c’est son monde, les studios et caméras, non !  

Titulaire du master de Physique Atomique et Nucléaire à l’ITNA avec la promotion 2017, elle a obtenu son diplôme de physique médicale au Centre International de Physique Théorique (ICTP) à Trieste en Italie. Il s’agit d’un Master d’études avancées de deux ans, entièrement en anglais pour une qualification en physique médicale. Cette formation lui a permis d'acquérir des connaissances approfondies sur les pratiques cliniques afin de guider le diagnostic médical. 

Elle est aujourd’hui recrutée comme radio-physicienne au tout nouveau Centre hospitalier national Cheikh Ahmadou Bamba de Touba. Auparavant, elle a suivi des stages pratiques dans différents départements de radiologie tels que Samu municipal et Hôpital Général Idrissa Pouye de Grand Yoff. Il s’y ajoute une formation de base en radiothérapie à l’Hôpital Aristide Le Dantec.  

« Étudier jusqu’à quand ? »   

Ancienne élève du lycée Maba Diakhou Ba de Nioro du Rip, son parcours qui devait la mener à l’enseignement a connu ainsi un virage heureux qui l’a transformée en physicienne du nucléaire médicale en 2021. En effet, après le master 1 à la Faculté des Sciences et Technologie, elle fait son master 2 d’enseignement en Physique-Chimie à la FASTEF pour rejoindre les classes. Mais la carrière ne l’enchantait guère. C’était un choix par défaut. « C’est ma maman qui me disait toujours : étudier jusqu’à quand ? Tu dois trouver du travail, avoir un mari. Finalement, j’ai décidé d’aller enseigner, même si je ne voulais pas ». 

Après le master à la FASTEF, au lieu d’aller en classe, la native du Saloum a voulu explorer les pistes qui se présentaient encore à elle. En faisant des recherches sur les filières disponibles dans son domaine, l’ex-pensionnaire de l’école primaire de Sarra Thilore Bessane découvre qu’il y a un master en physique nucléaire à l’ITNA. Cette découverte réveilla en elle son intérêt pour la physique de l’atome. 

Les compétences acquises à l’ITNA ont fait d’elle lauréate dans une conférence internationale organisée par l’ICTP, dans le cadre de l’ASP (African School of Physics) qui avait lieu en Namibie à Windhoek en 2018. En cette même année, elle a eu le privilège d'être sélectionnée pour participer à l'école de LHC (Large Hadron Collider) au Pakistan.  

Sur recommandation du directeur de l'ITNA et par appui de l'agent de liaison national (NLO) du Sénégal, elle a bénéficié d’une bourse de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) pour couvrir sa formation en physique médicale à ICTP. En mars dernier, elle a participé, pour le compte de l’ITNA, au Salon international de l’entrepreneuriat de la recherche et de l’innovation à l’UCAD. Le projet présenté est classé deuxième.   

Pourcentage très réduit d’être envoyée à l’école   

Aujourd’hui, sa carrière se dessine peu à peu. Inscrite en doctorat à l’Institut de Technologie Nucléaire Appliquée dans le domaine de la Physique Nucléaire, elle compte devenir enseignant-chercheur à l’université afin d’apporter une contribution substantielle dans la formation pour la prise en charge du cancer au Sénégal. « Chaque année, le taux de mortalité du cancer augmente avec des pourcentages très élevés », regrette Khady qui affiche ainsi sa détermination à réussir sa thèse et apporter son appui à la population. 

Khady fait partie de cette catégorie de filles qui ont toujours accordé la primauté aux études, même quand l’environnement n’était pas très favorable. A sa jeune enfance, elle avait un pourcentage très réduit d’être envoyée à l’école. Petite-fille d’un guide religieux, elle a trouvé une école coranique et une mosquée fondée par son grand-père devant le domicile familial. Elle était donc de facto destinée à une éducation religieuse, comme ses devancières. 

Mais il se trouve que Khady qui a très tôt perdu son père va vivre chez son oncle avec sa mère. C’est ce nouveau tuteur qui décide donc de l’envoyer à l’école française et changer le cours de l’histoire. « J’ai été la première de ses petites-filles à aller à l’école et atteindre un tel niveau d’étude », se souvient-elle. Chez son oncle, elle était plus la fille de sa grand-mère que celle de sa mère. En effet, la môme a été éduquée par sa grand-mère qui l’a recueillie dès le sevrage. « Je ne connais qu’elle. Elle m’a tout donné », raconte-t-elle d’une voix empreinte d’émotion.    

« La disparition de ma grand-mère a créé un vide en moi »   

 L’évocation de sa grand-mère rappelle, en effet, un souvenir douloureux et assez proche. Khady a toujours nourri l’ambition de rendre hommage à cette dame. Mais un certain 6 octobre 2021, la mamie l’a quittée, à jamais ! « La disparition de ma grand-mère a créé un vide en moi », soupire-t-elle.  

Le vide est d’autant plus grand que la petite fille était à deux doigts de réaliser une partie de ses rêves. En effet, c’est quelques mois après que la note de service est sortie après la disparition de la grand-mère. « Elle a toujours prié pour que j’ai du travail et un mari. J’espérais lui remettre mon premier salaire, mais aussi qu’elle me conduise dans mon domicile conjugal ».   

Mais Khady Sy pourra se rattraper auprès de sa mère adorée et surtout de son oncle qui a toujours cru en elle et l’a toujours encouragée et soutenue dans ses études. Cet oncle l’a rendue d’ailleurs assez fière et déterminée en la donnant en exemple à tous les membres de la famille. Autant d’énergies et de sources d’inspiration que Khady pourra mobiliser pour réussir son doctorat et viser plus loin. 

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